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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/280

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810Ou soudain à vos yeux je vais cesser de vivre.
Mettrez-vous en ma mort votre contentement ?

ANGÉLIQUE.

Non, mais que dira-t-on d’un tel emportement[1] ?

ALIDOR.

Est-ce là donc le prix de vous avoir servie ?
Il y va de votre heur, il y va de ma vie,
815Et vous vous arrêtez à ce qu’on en dira !
Mais faites désormais tout ce qu’il vous plaira :
Puisque vous consentez plutôt à vos supplices
Qu’à l’unique moyen de payer mes services,
Ma mort va me venger de votre peu d’amour ;
820Si vous n’êtes à moi, je ne veux plus du jour.

ANGÉLIQUE.

Retiens ce coup fatal ; me voilà résolue :
Use sur tout mon cœur de puissance absolue[2] :
Puisqu’il est tout à toi, tu peux tout commander ;
Et contre nos malheurs j’ose tout hasarder[3].
825Cet éclat du dehors n’a rien qui m’embarrasse ;
Mon honneur seulement te demande une grâce :
Accorde à ma pudeur que deux mots de ta main
Puissent justifier ma fuite et ton dessein ;
Que mes parents surpris trouvent ici ce gage,
830Qui les rende assurés d’un heureux mariage,

  1. Var. Non, mais que dira-t-on d’un tel enlèvement ? (1637-57)
  2. Var. Dessus mes volontés ta puissance absolue
    Peut disposer de moi, peut tout me commander.
    Mon honneur, en tes mains prêt à se hasarder,
    Par un trait si hardi quelque tort qu’il se fasse,
    Y consent toutefois, et ne veut qu’une grâce :
    [Accorde à ma pudeur que deux mots de ta main]
    Justifient aux miens ma fuite et ton dessein ;
    Qu’ils puissent, me cherchant, trouver ici ce gage,
    Qui les rende assurés de notre mariage ;
    Que la sincérité de ton intention
    Conserve, mise au jour, ma réputation. (1637-57)
  3. Var. Pour vaincre nos malheurs j’ose tout hasarder. (1660)