Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/281

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Et que je sauve ainsi ma réputation
Par la sincérité de ton intention.
Ma faute en sera moindre, et mon trop de constance[1]
Paroîtra seulement fuir une violence.

ALIDOR.

835Enfin par ce dessein vous me ressuscitez[2] :
Agissez pleinement dessus mes volontés.
J’avais pour votre honneur la même inquiétude,
Et ne pourrois d’ailleurs qu’avec ingratitude,
Voyant ce que pour moi votre flamme résout,
840Dénier quelque chose à qui m’accorde tout.
Donnez-moi ; sur-le-champ je vous veux satisfaire.

ANGÉLIQUE.

Il vaut mieux que l’effet à tantôt se diffère.
Je manque ici de tout, et j’ai le cœur transi[3]
De crainte que quelqu’un ne te découvre ici.
845Mon dessein généreux fait naître cette crainte ;
Depuis qu’il est formé, j’en ai senti l’atteinte.
Quitte-moi, je te prie, et coule-toi sans bruit[4].

ALIDOR.

Puisque vous le voulez, adieu, jusqu’à minuit.

ANGÉLIQUE.
(Alidor s’en va, et Angélique continue[5].)

Que promets-tu, pauvre aveuglée ?
850À quoi t’engage ici ta folle passion ?
Et de quelle indiscrétion
Ne s’accompagne point ton ardeur déréglée ?

  1. Var. Ma faute en sera moindre, et hors de l’impudence. (1637-60)
  2. Var. Ma reine, enfin par là vous me ressuscitez. (1637-57)
  3. Var. Je manque ici de tout, et j’ai peur, mon souci,
    Que quelqu’un par malheur ne te surprenne ici. (1637-57)
  4. Var. Va, quitte-moi, ma vie, et te coule sans bruit.
    ALID. Adieu donc, ma chère âme. ANG. Adieu, jusqu’à minuit. (1637-57)
  5. Var. ANGÉLIQUE, seule en son cabinet. (1637, en marge.)