Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1175Hélas ! Mais qu’à propos le ciel l’a fait méprendre,
Et ne consentant point à ses lâches desseins,
Met au lieu d’Angélique une autre entre ses mains[1] !

DORASTE.

Que parles-tu d’une autre en ta place ravie ?

ANGÉLIQUE.

J’en ignore le nom, mais elle m’a suivie[2],
1180Et ceux qui m’attendoient dans l’ombre de la nuit…

DORASTE.

C’en est assez, mes yeux du reste m’ont instruit :
Autre n’est que Phylis entre leurs mains tombée ;
Après toi de la salle elle s’est dérobée.
J’arrête une maîtresse, et je perds une sœur ;
1185Mais allons promptement après le ravisseur.



Scène VIII.

ANGÉLIQUE.

Dure condition de mon malheur extrême !
Si j’aime, on me trahit ; je trahis, si l’on m’aime.
Qu’accuserai-je ici d’Alidor ou de moi ?
Nous manquons l’un et l’autre également de foi.
1190Si j’ose l’appeler lâche, traître, parjure,
Ma rougeur aussitôt prendra part à l’injure ;
Et les mêmes couleurs qui peindront ses forfaits
Des miens en même temps exprimeront les traits.
Mais quel aveuglement nos deux crimes égale,

  1. Var. Met au lieu d’Angélique un autre entre ses mains (a). (1648-57)

    (a) Il y a ailleurs un semblable emploi du masculin.

  2. Var. [J’en ignore le nom, mais elle m’a suivie, ]
    Et quelle qu’elle soit… DOR. Il suffit, n’en dis plus ;
    Après ce que j’ai vu, j’en sais trop là-dessus :
    [Autre n’est que Phylis entre leurs mains tombée.] (1637-57)