Mon père, tout caduc, émouvant ma pitié,
Je conjurai Médée, au nom de l’amitié…
J’ai su comme son art, forçant les destinées,
Lui rendit la vigueur de ses jeunes années :
Ce fut, s’il m’en souvient, ici que je l’appris ;
D’où soudain un voyage en Asie entrepris
Fait que, nos deux séjours divisés par Neptune,
Je n’ai point su depuis quelle est votre fortune ;
Je n’en fais qu’arriver.
Le sujet qui m’oblige à lui manquer de foi.
Malgré l’aversion d’entre nos deux familles,
De mon tyran Pélie elle gagne les filles[1],
Et leur feint de ma part tant d’outrages reçus,
Que ces faibles esprits sont aisément déçus.
Elle fait amitié, leur promet des merveilles,
Du pouvoir de son art leur remplit les oreilles ;
Et pour mieux leur montrer comme il est infini,
Leur étale surtout mon père rajeuni.
Pour épreuve elle égorge un bélier à leurs vues,
Le plonge en un bain d’eaux et d’herbes inconnues,
Lui forme un nouveau sang avec cette liqueur,
Et lui rend d’un agneau la taille et la vigueur.
Les sœurs crient miracle, et chacune ravie
Conçoit pour son vieux père une pareille envie,
Veut un effet pareil, le demande, et l’obtient ;
Mais chacune a son but. Cependant la nuit vient :
Médée, après le coup d’une si belle amorce[2],
Prépare de l’eau pure et des herbes sans force,