Aussi je ne suis pas de ces amants vulgaires ;
J’accommode ma flamme au bien de mes affaires ;
Et sous quelque climat que me jette le sort[1],
Par maxime d’État je me fais cet effort.
Nous voulant à Lemnos rafraîchir dans la ville,
Qu’eussions-nous fait, Pollux, sans l’amour d’Hypsipyle ?
Et depuis à Colchos, que fit votre Jason,
Que cajoler Médée et gagner la toison ?
Alors, sans mon amour, qu’eût fait votre vaillance[2] ?
Eût-elle du dragon trompé la vigilance ?
Ce peuple que la terre enfantait tout armé,
Qui de vous l’eût défait, si Jason n’eût aimé ?
Maintenant qu’un exil m’interdit ma patrie,
Créuse est le sujet de mon idolâtrie ;
Et j’ai trouvé l’adresse, en lui faisant la cour[3],
De relever mon sort sur les ailes d’Amour.
Me fait, tout mort qu’il est, fuir de sa Thessalie.
Il est mort !
Son trépas seul m’oblige à cet éloignement[4].
Après six ans passés, depuis notre voyage,
Dans les plus grands plaisirs qu’on goûte au mariage,
- ↑ Var. Et sous quelque climat que le sort me jetât,
Je serois amoureux par maxime d’État. (1639) - ↑ Var. Alors, sans mon amour, qu’étoit votre vaillance ? (1639-55)
- ↑ Var. Et que pouvois-je mieux que lui faire la cour,
Et relever mon sort sur les ailes d’Amour ? (1630) - ↑ Var. Son trépas seul me force à cet éloignement. (1639-57)