Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/360

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L’épouvante les prend ; Médée en raille, et fuit.
Le jour découvre à tous les crimes de la nuit ;
Et pour vous épargner un discours inutile,
Acaste, nouveau roi, fait mutiner la ville,
Nomme Jason l’auteur de cette trahison,
Et pour venger son père assiège ma maison.
Mais j’étais déjà loin, aussi bien que Médée ;
Et ma famille enfin à Corinthe abordée,
Nous saluons Créon, dont la bénignité
Nous promet contre Acaste un lieu de sûreté.
Que vous dirai-je plus ? mon bonheur ordinaire
M’acquiert les volontés de la fille et du père ;
Si bien que de tous deux également chéri,
L’un me veut pour son gendre, et l’autre pour mari.
D’un rival couronné les grandeurs souveraines,
La majesté d’Ægée, et le sceptre d’Athènes,
N’ont rien, à leur avis, de comparable à moi,
Et banni que je suis, je leur suis plus qu’un roi.
Je vois trop ce bonheur, mais je le dissimule ;
Et bien que pour Créuse un pareil feu me brûle,
Du devoir conjugal je combats mon amour,
Et je ne l’entretiens que pour faire ma cour.
Acaste cependant menace d’une guerre
Qui doit perdre Créon et dépeupler sa terre ;
Puis, changeant tout à coup ses résolutions,
Il propose la paix sous des conditions.
Il demande d’abord et Jason et Médée :
On lui refuse l’un, et l’autre est accordée ;
Je l’empêche, on débat, et je fais tellement,
Qu’enfin il se réduit à son bannissement.
De nouveau je l’empêche, et Créon me refuse ;