Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/376

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Vomissant mille traits de sa gorge enflammée,
La gardait beaucoup mieux que toute cette armée ;
Jamais étoile, lune, aurore, ni soleil,
Ne virent abaisser sa paupière au sommeil :
Je l’ai seule assoupi ; seule, j’ai par mes charmes
Mis au joug les taureaux, et défait les gendarmes.
Si lors à mon devoir mon désir limité
Eût conservé ma gloire et ma fidélité,
Si j’eusse eu de l’horreur de tant d’énormes fautes,
Que devenait Jason, et tous vos Argonautes ?
Sans moi, ce vaillant chef, que vous m’avez ravi,
Fût péri le premier, et tous l’auraient suivi.
Je ne me repens point d’avoir par mon adresse
Sauvé le sang des dieux et la fleur de la Grèce :
Zéthès, et Calaïs, et Pollux, et Castor,
Et le charmant Orphée, et le sage Nestor,
Tous vos héros enfin tiennent de moi la vie ;
Je vous les verrai tous posséder sans envie :
Je vous les ai sauvés, je vous les cède tous ;
Je n’en veux qu’un pour moi, n’en soyez point jaloux.
Pour de si bons effets laissez-moi l’infidèle :
Il est mon crime seul, si je suis criminelle ;
Aimer cet inconstant, c’est tout ce que j’ai fait :