Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/385

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Scène V.

Ægée, Créuse, Cléone.


Ægée.

Sur un bruit qui m’étonne, et que je ne puis croire,
Madame, mon amour, jaloux de votre gloire,
Vient savoir s’il est vrai que vous soyez d’accord,
Par un honteux hymen, de l’arrêt de ma mort.
Votre peuple en frémit, votre cour en murmure ;
Et tout Corinthe enfin s’impute à grande injure
Qu’un fugitif, un traître, un meurtrier de rois,
Lui donne à l’avenir des princes et des lois ;
Il ne peut endurer que l’horreur de la Grèce
Pour prix de ses forfaits épouse sa princesse,
Et qu’il faille ajouter à vos titres d’honneur :
« Femme d’un assassin et d’un empoisonneur. »

Créuse.

Laissez agir, grand roi, la raison sur votre âme,
Et ne le chargez point des crimes de sa femme.
J’épouse un malheureux, et mon père y consent,
Mais prince, mais vaillant, et surtout innocent.
Non pas que je ne faille en cette préférence ;
De votre rang au sien je sais la différence :
Mais si vous connaissez l’amour et ses ardeurs,
Jamais pour son objet il ne prend les grandeurs ;
Avouez que son feu n’en veut qu’à la personne,
Et qu’en moi vous n’aimiez rien moins que ma couronne.