Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/393

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Où me renvoyez-vous, si vous me bannissez ?
Irai-je sur le Phase, où j’ai trahi mon père,
Apaiser de mon sang les mânes de mon frère ?
Irai-je en Thessalie, où le meurtre d’un roi
Pour victime aujourd’hui ne demande que moi ?
Il n’est point de climat dont mon amour fatale
N’ait acquis à mon nom la haine générale ;
Et ce qu’ont fait pour vous mon savoir et ma main
M’a fait un ennemi de tout le genre humain.
Ressouviens-t’en, ingrat ; remets-toi dans la plaine
Que ces taureaux affreux brûlaient de leur haleine ;
Revois ce champ guerrier dont les sacrés sillons
Elevaient contre toi de soudains bataillons ;
Ce dragon qui jamais n’eut les paupières closes
Et lors préfère-moi Créuse, si tu l’oses.
Qu’ai-je épargné depuis qui fût en mon pouvoir ?
Ai-je auprès de l’amour écouté mon devoir ?
Pour jeter un obstacle à l’ardente poursuite
Dont mon père en fureur touchait déjà ta fuite,