Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/394

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Semai-je avec regret mon frère par morceaux ?
À ce funeste objet épandu sur les eaux,
Mon père trop sensible aux droits de la nature,
Quitta tous autres soins que de sa sépulture ;
Et par ce nouveau crime émouvant sa pitié,
J’arrêtai les effets de son inimitié.
Prodigue de mon sang, honte de ma famille,
Aussi cruelle sœur que déloyale fille,
Ces titres glorieux plaisaient à mes amours ;
Je les pris sans horreur pour conserver tes jours.
Alors, certes, alors mon mérite était rare ;
Tu n’étais point honteux d’une femme barbare.
Quand à ton père usé je rendis la vigueur,
J’avais encor tes vœux, j’étais encor ton cœur ;
Mais cette affection mourant avec Pélie,
Dans le même tombeau se vit ensevelie :
L’ingratitude en l’âme et l’impudence au front,
Une Scythe en ton lit te fut lors un affront ;
Et moi, que tes désirs avaient tant souhaitée,
Le dragon assoupi, la toison emportée,
Ton tyran massacré, ton père rajeuni,
Je devins un objet digne d’être banni.
Tes desseins achevés, j’ai mérité ta haine,
Il t’a fallu sortir d’une honteuse chaîne,
Et prendre une moitié qui n’a rien plus que moi,
Que le bandeau royal que j’ai quitté pour toi.

Jason.

Ah ! que n’as-tu des yeux à lire dans mon âme,