Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/405

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Ce présent déceptif a bu toute leur force,
Et bien mieux que mon bras vengera mon divorce.
Mes tyrans par leur perte apprendront que jamais…
Mais d’où vient ce grand bruit que j’entends au palais ?

Nérine.

Du bonheur de Jason et du malheur d’Ægée :
Madame, peu s’en faut, qu’il ne vous ait vengée.
Ce généreux vieillard, ne pouvant supporter
Qu’on lui vole à ses yeux ce qu’il croit mériter,
Et que sur sa couronne et sa persévérance
L’exil de votre époux ait eu la préférence,
A tâché par la force à repousser l’affront
Que ce nouvel hymen lui porte sur le front.
Comme cette beauté, pour lui toute de glace,
Sur les bords de la mer contemplait la bonace,
Il la voit mal suivie, et prend un si beau temps
À rendre ses désirs et les vôtres contents.
De ses meilleurs soldats une troupe choisie
Enferme la princesse, et sert sa jalousie ;
L’effroi qui la surprend la jette en pâmoison ;
Et tout ce qu’elle peut, c’est de nommer Jason.
Ses gardes à l’abord font quelque résistance,
Et le peuple leur prête une faible assistance ;
Mais l’obstacle léger de ces débiles cœurs
Laissait honteusement Créuse à leurs vainqueurs :
Déjà presque en leur bord elle était enlevée…

Médée.

Je devine la fin, mon traître l’a sauvée.