Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/406

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Nérine.

Oui, madame, et de plus Ægée est prisonnier ;
Votre époux à son myrte ajoute ce laurier :
Mais apprenez comment.

Médée.

Mais apprenez comment. N’en dis pas davantage :
Je ne veux point savoir ce qu’a fait son courage ;
Il suffit que son bras a travaillé pour nous,
Et rend une victime à mon juste courroux.
Nérine, mes douleurs auraient peu d’allégeance,
Si cet enlèvement l’ôtait à ma vengeance ;
Pour quitter son pays en est-on malheureux ?
Ce n’est pas son exil, c’est sa mort que je veux ;
Elle aurait trop d’honneur de n’avoir que ma peine,
Et de verser des pleurs pour être deux fois reine.
Tant d’invisibles feux enfermés dans ce don,
Que d’un titre plus vrai j’appelle ma rançon,
Produiront des effets bien plus doux à ma haine.

Nérine.

Par là vous vous vengez, et sa perte est certaine :
Mais contre la fureur de son père irrité
Où pensez-vous trouver un lieu de sûreté ?

Médée.

Si la prison d’Ægée a suivi sa défaite,
Tu peux voir qu’en l’ouvrant je m’ouvre une retraite,
Et que ses fers brisés, malgré leurs attentats,
À ma protection engagent ses États.
Dépêche seulement, et cours vers ma rivale
Lui porter de ma part cette robe fatale :
Mène-lui mes enfants, et fais-les, si tu peux,
Présenter par leur père à l’objet de ses vœux.