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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/450

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15Malgré l’empressement d’un curieux desir[1],
Il faut, pour lui parler, attendre son loisir :
Chaque jour il se montre, et nous touchons à l’heure
Où pour se divertir il sort de sa demeure[2].

PRIDAMANT

J’en attends peu de chose, et brûle de le voir.
20J’ai de l’impatience, et je manque d’espoir.
Ce fils, ce cher objet de mes inquiétudes,
Qu’ont éloigné de moi des traitements trop rudes,
Et que depuis dix ans je cherche en tant de lieux,
A caché pour jamais sa présence à mes yeux.
25Sous ombre qu’il prenoit un peu trop de licence,
Contre ses libertés je roidis ma puissance ;
Je croyois le dompter à force de punir[3],
Et ma sévérité ne fit que le bannir.
Mon âme vit l’erreur dont elle était séduite :
30Je l’outrageois présent, et je pleurai sa fuite ;
Et l’amour paternel me fit bientôt sentir
D’une injuste rigueur un juste repentir.
Il l’a fallu chercher : j’ai vu dans mon voyage
Le Pô, le Rhin, la Meuse, et la Seine, et le Tage :
35Toujours le même soin travaille mes esprits ;
Et ces longues erreurs[4] ne m’en ont rien appris.
Enfin, au désespoir de perdre tant de peine,
Et n’attendant plus rien de la prudence humaine,
Pour trouver quelque borne à tant de maux soufferts[5],
40J’ai déjà sur ce point consulté les enfers.
J’ai vu les plus fameux en la haute science[6]

  1. Var. Si bien que ceux qu’amène un curieux désir
    Pour consulter Alcandre attendent son loisir. (1639-57)
  2. Var. Que pour se divertir il sort de sa demeure. {1639-64)
  3. Var. Je croyois le réduire à force de punir. (1639-57)
  4. Longues erreurs, longs voyages.
  5. Var. Pour trouver quelque fin à tant de maux soufferts. (1639)
  6. Var. J’ai vu les plus fameux en ces noires sciences
    Dont vous dites qu’Alcandre a tant d’expériences. (1639-57)