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ACTE III, SCÈNE III. 471


Géronte.

C’est ailleurs maintenant qu’il vous faut signaler :
Il fait beau voir ce bras, plus craint que le tonnerre,
Demeurer si paisible en un temps plein de guerre ;
Et c’est pour acquérir un nom bien relevé,
D’être dans une ville à battre le pavé.
Chacun croit votre gloire à faux titre usurpée,
Et vous ne passez plus que pour traîneur d’épée.

Matamore

Ah, ventre ! il est tout vrai que vous avez raison.
Mais le moyen d’aller, si je suis en prison ?
Isabelle m’arrête, et ses yeux pleins de charmes
Ont captivé mon cœur et suspendu mes armes.

Géronte

Si rien que son sujet ne vous tient arrêté,
Faites votre équipage en toute liberté :
Elle n’est pas pour vous ; n’en soyez point en peine.

Matamore.

Ventre ! que dites-vous ? Je la veux faire reine.

Géronte.

Je ne suis pas d’humeur à rire tant de fois
Du crotesque récit de vos rares exploits.
La sottise ne plaît qu’alors qu’elle est nouvelle :
En un mot, faites reine une autre qu’Isabelle.
Si pour l’entretenir vous venez plus ici…

Matamore.

Il a perdu le sens, de me parler ainsi.
Pauvre homme, sais-tu bien que mon nom effroyable
Met le Grand Turc en fuite, et fait trembler le diable ;
Que pour t’anéantir je ne veux qu’un moment ?

Géronte.

J’ai chez moi des valets à mon commandement,


1. C’est ainsi que le mot est imprimé dans toutes les éditions. Cette orthographe était générale au commencement du dix-septième siècle. Voyez le Lexique.