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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/489

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ACTE III, SCÈNE V. 475

 Et malgré les douceurs que l’amour y déploie,
Deux malheureux ensemble ont toujours courte joie.
Ainsi j’aspire ailleurs, pour vaincre mon malheur ;
Mais je ne puis te voir sans un peu de douleur,
Sans qu’un soupir échappe à ce cœur, qui murmure
De ce qu’à mes désirs ma raison fait d’injure.
A tes moindres coups d’œil je me laisse charmer.
Ah ! que je t’aimerois, s’il ne falloit qu’aimer,
Et que tu me plairois, s’il ne falloit que plaire !

Lyse

Que vous auriez d’esprit si vous saviez vous taire,
Ou remettre du moins en quelque autre saison
A montrer tant d’amour avec tant de raison !
Le grand trésor pour moi qu’un amoureux si sage,
Qui par compassion n’ose me rendre hommage,
Et porte ses désirs à des partis meilleurs,
De peur de m’accabler sous nos communs malheurs !


 Mais si tu ménageois ma flamme avec adresse,
Une femme est sujette, une amante est maîtresse ;
Les plaisirs sont plus grands à se voir moins souvent :
La femme les achète, et l’amante les vend ;
Un amour par devoir bien aisément s’altère ;
Les nœuds en sont plus forts quand il est volontaire ;
Il hait toute contrainte, et son plus doux appas (a)
Se goûte quand on aime et qu’on peut n’aimer pas ;
Seconde avec douceur celui que je te porte.
LYSE. Vous me connoissez trop pour m’aimer de la sorte,
Et vous en parlez moins de votre sentiment
Qu’à dessein de railler par divertissement.
Je prends tout en riant comme vous me le dites :
[Allez continuer cependant vos visites.]
CLIND. Un peu de tes faveurs me rendroit plus content. (1639-57)

 1. Une double erreur typographique a défiguré ce vers et le suivant dans l’édition de 1682 :

Et malgré les douceurs que l’amour déploie,
Deux malheurs ensemble ont toujours courte joie.

2.Var. De ce qu’à ses désirs ma raison fait d’injure. (1660 et 63)
Var. De ce qu’à ces désirs ma raison fait d’injure. (1664 et 68)


(a) Voyez tome I, p. 148, note 3.