Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/488

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474 L’ILLUSION.

 Il donne l’épouvante à ce cœur généreux,
Cet unique vaillant, la fleur des capitaines,
Qui dompte autant de rois qu’il captive de reines !

Lyse.

Mon visage est ainsi malheureux en attraits :
D’autres charment de loin, le mien fait peur de près.

Clindor.

S’il fait peur à des fous, il charme les plus sages :
Il n’est pas quantité de semblables visages.
Si l’on brûle pour toi, ce n’est pas sans sujet ;
Je ne connus jamais un si gentil objet ;
L’esprit beau, prompt, accort, l’humeur un peu railleuse,
L’embonpoint ravissant, la taille avantageuse,
Les yeux doux, le teint vif, et les traits délicats :
Qui seroit le brutal qui ne t’aimeroit pas ?

Lyse

De grâce, et depuis quand me trouvez-vous si belle ?
Voyez bien, je suis Lyse, et non pas Isabelle.

Clindor

Vous partagez vous deux mes inclinations :
J’adore sa fortune, et tes perfections.

Lyse

Vous en embrassez trop, c’est assez pour vous d’une,
Et mes perfections cèdent à sa fortune.

Clindor

Quelque effort que je fasse à lui donner ma foi,
Penses-tu qu’en effet je l’aime plus que toi ?
L’amour et l’hyménée ont diverse méthode ;
L’un court au plus aimable, et l’autre au plus commode.
Je suis dans la misère, et tu n’as point de bien :
Un rien s’ajuste mal avec un autre rien ;


 1. Var. Bien que pour l’épouser je lui donne ma foi. (1639-57)
2. Var. Un rien s’assemble mal avec un autre rien ;