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ACTE III, SCÈNE VI. 477

 Et pour se divertir il contrefait l’amant !
Qui néglige mes feux m’aime par raillerie,
Me prend pour le jouet de sa galanterie,
Et par un libre aveu de me voler sa foi,
Me jure qu’il m’adore, et ne veut point de moi.
Aime en tous lieux, perfide, et partage ton âme ;
Choisis qui tu voudras pour maîtresse ou pour femme ;
Donne à tes intérêts à ménager tes vœux ;
Mais ne crois plus tromper aucune de nous deux.
Isabelle vaut mieux qu’un amour politique,
Et je vaux mieux qu’un cœur où cet amour s’applique.
J’ai raillé comme toi, mais c’étoit seulement
Pour ne t’avertir pas de mon ressentiment.
Qu’eût produit son éclat, que de la défiance ?
Qui cache sa colère assure sa vengeance ;
Et ma feinte douceur prépare beaucoup mieux
Ce piége où tu vas choir, et bientôt, à mes yeux.
xxToutefois qu’as-tu fait qui te rende coupable ?
Pour chercher sa fortune est-on si punissable ?

 1.Var. Et pour me suborner il contrefait l’amant !
Qui hait ma sainte ardeur m’aime dans l'infamie,
Me dédaigne pour femme, et me veut pour amie.
Perfide, qu'as-tu vu dedans mes actions,
Qui te dût enhardir à ces prétentions ?
Qui t'a fait m'estimer digne d'être abusée,
Et juger mon honneur une conquête aisée ?
J'ai tout pris en riant, mais c'étoit seulement (1639-57)
2. Var. Et ma feinte douceur te laissant espérer,
Te jette dans les rets que j'ai pu préparer.
Va, traître, aime en tous lieux, et partage ton âme :
Choisis qui tu voudras pour maîtresse et pour femme ;
Donne à l'une ton cœur, donne à l'autre ta foi ;
 Mais ne crois plus tromper Isabelle ni moi.
Ce long calme bientôt va tourner en tempête,
 Et l'orage est tout prêt à fondre sur ta tête :
 Surpris par un rival dans ce cher entretien,
 Il vengera d'un coup son malheur et le mien.
Toutefois qu’as-tu fait qui t'en rende coupable ? (a)(1639-57)
(a) [Toutefois qu’as-tu fait qui te rende coupable ?] (1644-57)