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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/506

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492 L’ILLUSION.

D’un mutuel amour j’ai formé l’apparence.
Quand on aime une fois, et qu’on se croit aimé,
On fait tout pour l’objet dont on est enflammé.
Par là j’ai sur son âme assuré mon empire,
Et l’ai mis en état de ne m’oser dédire.
Quand il n’a plus douté de mon affection,
J’ai fondé mes refus sur sa condition ;
Et lui, pour m’obliger, juroit de s’y déplaire,
Mais que malaisément il s’en pouvoit défaire ;
Que les clefs des prisons qu’il gardoit aujourd’hui
Étoient le plus grand bien de son frère et de lui.
Moi de dire soudain que sa bonne fortune
Ne lui pouvoit offrir d’heure plus opportune ;
Que, pour se faire riche, et pour me posséder,
Il n’avoit seulement qu’à s’en accommoder ;
Qu’il tenoit dans les fers un seigneur de Bretagne
Déguisé sous le nom du sieur de la Montagne ;
Qu’il falloit le sauver, et le suivre chez lui ;
Qu’il nous feroit du bien, et seroit notre appui.
Il demeure étonné ; je le presse, il s’excuse ;
Il me parle d’amour, et moi je le refuse ;
Je le quitte en colère ; il me suit tout confus,
Me fait nouvelle excuse, et moi nouveau refus.

Isabelle

Mais enfin ?

Lyse

xxxxxxxx J’y retourne, et le trouve fort triste ;
Je le juge ébranlé ; je l’attaque : il résiste.
Ce matin : « En un mot, le péril est pressant,
Ai-je dit ; tu peux tout, et ton frère est absent.
- Mais il faut de l’argent pour un si long voyage,


1. Var. Moi de prendre mon temps, que sa bonne fortune. (l639-57)
2. Var. Ç’ai-je, dit ; tu peux tout, et ton frère est absent. (l639-57)