Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/516

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

502 L’ILLUSION.

Il succomba vivant, et mort il m’assassine ;
Son nom fait contre moi ce que n’a pu son bras ;
Mille assassins nouveaux naissent de son trépas ;
Et je vois de son sang, fécond en perfidies,
S’élever contre moi des âmes plus hardies,
De qui les passions, s’armant d’autorité,
Font un meurtre public avec impunité.
Demain de mon courage on doit faire un grand crime,
Donner au déloyal ma tête pour victime ;
Et tous pour le pays prennent tant d’intérêt,
Qu’il ne m’est pas permis de douter de l’arrêt.
Ainsi de tous côtés ma perte était certaine :
J’ai repoussé la mort, je la reçois pour peine.
D’un péril évité je tombe en un nouveau,
Et des mains d’un rival en celles d’un bourreau.
Je frémis à penser à ma triste aventure ;
Dans le sein du repos je suis à la torture :
Au milieu de la nuit, et du temps du sommeil,
Je vois de mon trépas le honteux appareil ;
J’en ai devant les yeux les funestes ministres ;
On me lit du sénat les mandements sinistres ;
Je sors les fers aux pieds ; j’entends déjà le bruit
De l’amas insolent d’un peuple qui me suit ;
Je vois le lieu fatal où ma mort se prépare :
Là mon esprit se trouble, et ma raison s’égare ;


1. Dans l’édition de 1682, on lit ainsi ce vers :
De qui les passions s’arment d’autorité.
C’est sans doute encore une faute. Au vers 1259 il y a, autre erreur, prenant pour prennent.
2. Var. Demain de mon courage ils doivent faire un crime. (1639-57)
3. Var. Je frémis au penser de ma triste aventure (a). (1639-57)
4. Var. De l’amas insolent du peuple qui me suit. (1648)

(a) L’édition de 1657 porte, évidemment par erreur "d’une triste aventure".