Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/524

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

510 L’ILLUSION.

Est-ce ainsi que l’amour ménage un entretien ?
Ne fuyez plus, Madame, et n’appréhendez rien :
Florilame est absent, ma jalouse endormie.

Isabelle.

En êtes-vous bien sûr ?

Clindor.

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx Ah ! fortune ennemie !

Isabelle.

Je veille, déloyal : ne crois plus m’aveugler ;
Au milieu de la nuit je ne vois que trop clair :
Je vois tous mes soupçons passer en certitudes,
Et ne puis plus douter de tes ingratitudes :
Toi-même, par ta bouche, as trahi ton secret.
Ô l’esprit avisé pour un amant discret !
Et que c’est en amour une haute prudence
D’en faire avec sa femme entière confidence !
Où sont tant de serments de n’aimer rien que moi ?
Qu’as-tu fait de ton cœur ? qu’as-tu fait de ta foi ?
Lorsque je la reçus, ingrat, qu’il te souvienne
De combien différoient ta fortune et la mienne,
De combien de rivaux je dédaignai les vœux ;
Ce qu’un simple soldat pouvoit être auprès d’eux :
Quelle tendre amitié je recevois d’un père !
Je le quittai pourtant pour suivre ta misère ;




Devoit être prodigue à ma réception ?
Voici l’heure et le lieu, l’occasion est belle :
Je suis seul, vous n’avez que cette damoiselle,
Dont la dextérité ménagea nos amours ;
Le temps est précieux, et vous fuyez toujours.
Vous voulez, je m’assure, avec ces artifices,
Que les difficultés augmentent nos délices.
À la fin je vous tiens. Quoi ! vous me repoussez !
Que craignez-vous encor ? Mauvaise, c’est assez :
[Florilame est absent, ma jalouse endormie]. (1639-57)
1. L’édition de 1682 porte, par erreur, jalousie, pour jalouse.
2. Var. Je l’ai quitté pourtant pour suivre ta misère. (1639)