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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/108

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LE CID.

Chez don Guillen de Castro, qui a traité ce sujet avant moi, et qui devoit mieux connoître que moi quelle étoit l’autorité de ce premier monarque de son pays, le soufflet se donne en sa présence et en celle de deux ministres d’État[1], qui lui conseillent, après que le Comte s’est retiré fièrement et avec bravade, et que don Diègue a fait la même chose en soupirant, de ne le pousser point à bout, parce qu’il a quantité d’amis dans les Asturies, qui se pourroient révolter, et prendre parti avec les Maures dont son État est environné. Ainsi il se résout d’accommoder l’affaire sans bruit, et recommande le secret à ces deux ministres, qui ont été seuls témoins de l’action. C’est sur cet exemple que je me suis cru bien fondé à le faire agir plus mollement qu’on ne feroit en ce temps-ci, où l’autorité royale est plus absolue. Je ne pense pas non plus qu’il fasse une faute bien grande de ne jeter point[2] l’alarme de nuit dans sa ville, sur l’avis incertain qu’il a du dessein des Maures, puisqu’on faisoit bonne garde sur les murs et sur le port ; mais il est inexcusable de n’y donner aucun ordre après leur arrivée, et de laisser tout faire à Rodrigue. La loi du combat qu’il propose à Chimène avant que de le permettre à don Sanche contre Rodrigue, n’est pas si injuste que quelques-uns ont voulu le dire, parce qu’elle est plutôt une menace pour la faire dédire de la demande de ce combat, qu’un arrêt qu’il lui veuille faire exécuter. Cela paroît en ce qu’après la victoire de Rodrigue il n’en exige pas précisément l’effet de sa parole, et la laisse en état d’espérer que cette condition n’aura point de lieu.

Je ne puis dénier que la règle des vingt et quatre

  1. Voyez las Mocedades del Cid, au premier tiers de la première journée.
  2. Var. (édit. de 1660-1663) : Je ne pense pas non plus qu’il manque beaucoup à ne jeter point, etc.