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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/129

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LE COMTE.

Ne le méritoit pas ! Moi ?

DON DIÈGUE.

Ne le méritoit pas ! Moi ?Vous.

LE COMTE.

225Ne le méritoit pas ! Moi ?Vous. Ton impudence,
Téméraire vieillard, aura sa récompense.

(Il lui donne un soufflet[1].)
DON DIÈGUE, mettant l’épée à la main[2].

Achève, et prends ma vie après un tel affront,
Le premier dont ma race ait vu rougir son front.

LE COMTE.

Et que penses-tu faire avec tant de foiblesse ?

DON DIÈGUE.

230Ô Dieu ! ma force usée en ce besoin me laisse[3] !

LE COMTE.

Ton épée est à moi ; mais tu serois trop vain,
Si ce honteux trophée avoit chargé ma main.
Adieu : fais lire au Prince, en dépit de l’envie,
Pour son instruction, l’histoire de ta vie :

  1. « On ne donnerait pas aujourd’hui un soufflet sur la joue d’un héros. Les acteurs mêmes sont très-embarrassés à donner ce soufflet, ils font le semblant. Cela n’est plus même souffert dans la comédie, et c’est le seul exemple qu’on en ait sur le théâtre tragique. Il est à croire que c’est une des raisons qui firent intituler le Cid tragi-comédie. Presque toutes les pièces de Scudéry et de Boisrobert avaient été des tragi-comédies. On avait cru longtemps en France qu’on ne pouvait supporter le tragique continu sans mélange d’aucune familiarité. Le mot de tragi-comédie est très-ancien : Plaute l’emploie (a) pour désigner son Amphitryon, parce que si l’aventure de Sosie est comique, Amphitryon est très-sérieusement affligé. » (Voltaire.)

    (a) Dans le Prologue d’Amphitryon (vers 59 et 63), Plaute désigne la pièce par le nom de tragicocomœdia, non pour la raison que donne ici Voltaire, mais parce qu’on voit figurer ensemble dans ce drame, d’une part des dieux et des rois, personnages de la tragédie, et de l’autre des esclaves, personnages de la comédie.

  2. Ce jeu de scène manque dans les éditions de 1637 in-12 et de 1638. Le autres impressions de 1637-48 ont à la place, soit en marge, soit au-dessous du nom de don diègue : Ils mettent l’épée à la main.
  3. Var. Ô Dieu ! ma force usée à ce besoin me laisse ! (1637-56)