Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/138

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Le Comte.

Monsieur, pour conserver tout ce que j’ai d’estime[1],
Désobéir un peu n’est pas un si grand crime ;
Et quelque grand qu’il soit, mes services présents[2]
Pour le faire abolir sont plus que suffisants[3].

Don Arias.

Quoi qu’on fasse d’illustre et de considérable,
Jamais à son sujet un roi n’est redevable.
Vous vous flattez beaucoup, et vous devez savoir
Que qui sert bien son roi ne fait que son devoir.
Vous vous perdrez, Monsieur, sur cette confiance.

Le Comte.

Je ne vous en croirai qu’après l’expérience.

Don Arias.

Vous devez redouter la puissance d’un roi.

Le Comte.

Un jour seul ne perd pas un homme tel que moi.
Que toute sa grandeur s’arme pour mon supplice,
Tout l’État périra, s’il faut que je périsse[4].

Don Arias.

Quoi ! vous craignez si peu le pouvoir souverain…

Le Comte.

D’un sceptre qui sans moi tomberoit de sa main[5].
Il a trop d’intérêt lui-même en ma personne,
Et ma tête en tombant feroit choir sa couronne.

Don Arias.

Souffrez que la raison remette vos esprits.
Prenez un bon conseil.

  1. Var. Monsieur, pour conserver ma gloire et mon estime. (1637-56)
  2. Var. Et quelque grand qu’il fût, mes services présents. (1637-56)
  3. Voyez la Notice du Cid, p. 17 et note 2.
  4. Var. Tout l’État périra plutôt que je périsse. (1637-56)
  5. Dans les premières éditions, il y a un point d’interrogation à la fin de ce vers et du précédent.