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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/147

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ACTE II, SCÈNE V.

Scène V.

L’INFANTE, LÉONOR.
L’Infante.

Hélas ! que dans l’esprit je sens d’inquiétude !
Je pleure ses malheurs, son amant me ravit ;
Mon repos m’abandonne, et ma flamme revit.
Ce qui va séparer Rodrigue de Chimène
510Fait renaître à la fois mon espoir et ma peine[1] ;
Et leur division, que je vois à regret,
Dans mon esprit charmé jette un plaisir secret.

Léonor.

Cette haute vertu qui règne dans votre âme
Se rend-elle sitôt à cette lâche flamme ?

L’Infante.

515Ne la nomme point lâche, à présent que chez moi
Pompeuse et triomphante elle me fait la loi :
Porte-lui du respect, puisqu’elle m’est si chère.
Ma vertu la combat, mais malgré moi j’espère ;
Et d’un si fol espoir mon cœur mal défendu
520Vole après un amant que Chimène a perdu.

Léonor.

Vous laissez choir ainsi ce glorieux courage,
Et la raison chez vous perd ainsi son usage ?

L’Infante.

Ah ! qu’avec peu d’effet on entend la raison,
Quand le cœur est atteint d’un si charmant poison !
525Et lorsque le malade aime sa maladie[2],
Qu’il a peine à souffrir que l’on y remédie[3] !

  1. Var. Avecque mon espoir fait renaître ma peine. (1637-56)
  2. Var. Alors que le malade aime sa maladie. (1637-44)
    Var. Sitôt que le malade aime sa maladie. (1648-60)
  3. Var. Il ne peut plus souffrir que l’on y remédie. (1637-56)