Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/164

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Mon cœur, honteusement surpris par d’autres charmes,
Croira ne lui devoir que d’impuissantes larmes !
Et je pourrai souffrir qu’un amour suborneur
Sous un lâche silence étouffe mon honneur[1] !

Elvire.

Madame, croyez-moi, vous serez excusable
D’avoir moins de chaleur contre un objet aimable[2],
Contre un amant si cher : vous avez assez fait,
Vous avez vu le Roi ; n’en pressez point l’effet,
Ne vous obstinez point en cette humeur étrange.

Chimène.

Il y va de ma gloire, il faut que je me venge ;
Et de quoi que nous flatte un désir amoureux,
Toute excuse est honteuse aux esprits généreux.

Elvire.

Mais vous aimez Rodrigue, il ne vous peut déplaire.

Chimène.

Je l’avoue.

Elvire.

Je l’avoue. Après tout, que pensez-vous donc faire ?

Chimène.

Pour conserver ma gloire et finir mon ennui,
Le poursuivre, le perdre, et mourir après lui.

  1. Var. Dans un lâche silence étouffe mon honneur ! (1637-56)
  2. Var. De conserver pour vous un homme incomparable,
    UnUn amant si chéri : vous avez assez fait. (1637-56)