Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/203

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Lui couronnant le front, vous impose silence ;
Que la loi du combat étouffe vos soupirs,
Et que le Roi vous force à suivre vos désirs.

Chimène.

Quand il sera vainqueur, crois-tu que je me rende ?
Mon devoir est trop fort, et ma perte trop grande ;
Et ce n’est pas assez, pour leur faire la loi,
Que celle du combat et le vouloir du Roi.
Il peut vaincre don Sanche avec fort peu de peine,
Mais non pas avec lui la gloire de Chimène ;
Et quoi qu’à sa victoire un monarque ait promis,
Mon honneur lui fera mille autres ennemis.

Elvire.

Gardez, pour vous punir de cet orgueil étrange,
Que le ciel à la fin ne souffre qu’on vous venge.
Quoi ! vous voulez encor refuser le bonheur
De pouvoir maintenant vous taire avec honneur ?
Que prétend ce devoir, et qu’est-ce qu’il espère ?
La mort de votre amant vous rendra-t-elle un père ?
Est-ce trop peu pour vous que d’un coup de malheur ?
Faut-il perte sur perte, et douleur sur douleur ?
Allez, dans le caprice où votre humeur s’obstine,
Vous ne méritez pas l’amant qu’on vous destine ;
Et nous verrons du ciel l’équitable courroux[1]
Vous laisser, par sa mort, don Sanche pour époux.

Chimène.

Elvire, c’est assez des peines que j’endure,
Ne les redouble point de ce funeste augure[2].
Je veux, si je le puis, les éviter tous deux ;
Sinon, en ce combat Rodrigue a tous mes vœux :

  1. Var. Et le ciel, ennuyé de vous être si doux,
    ---Vous lairra, par sa mort, don Sanche pour époux. (1637-44)
    ---Var. Et nous verrons le ciel, mû d’un juste courroux. (1648-60)
  2. Var. Ne les redouble point par ce funeste augure. (1637-68)