Don Diègue veut que Rodrigue emploie sa valeur au service du Roi :
No dirán que la mano te ha servido
Para vengar agravios solamente :
Sirve en la guerra al Rey, que siempre ha sido
Digna satisfaccion de un caballero
ce que Corneille eût pu citer en partie, quand il dit :
« Ne borne pas ta gloire à venger un affront ;
Porte-la plus avant : force par ta vaillance
Don Diègue a amené non loin du lieu où il s’entretient avec Rodrigue cinq cents gentilshommes de sa famille (deudos), montés et armés en guerre, réunis par lui-même pour honorer la disgrâce de son fils exilé (Corneille, placé dans d’autres conditions et au milieu de mœurs différentes, a dû altérer un peu ces données). Tous veulent que Rodrigue les commande :
Que cada quai tu gusto solicita,
L’ennemi, les Mores de la frontière, vient d’envahir la vieille Castille, les montagnes d’Oca, de Naxera ; c’est l’histoire même. Chacun sait déjà combien il en coûte de frais d’invention et d’anachronisme à Corneille pour sauver ses unités de temps et de lieu en portant la scène à Séville, afin que le reflux du Guadalquivir puisse amener dans les limites voulues une bataille, une campagne de quelques heures.
Rodrigue, pressé d’aller rejoindre sa troupe, demande et reçoit à genoux la bénédiction de son père. L’omission par Corneille de cette noble circonstance résulte bien moins d’une différence de mœurs nationales, que d’une différence entre les deux théâtres : l’espagnol sans cesse sanctifié par des détails sacramentels, le français oblige de s’interdire rigoureusement tout acte, toute parole, qu’on pourrait regarder comme une profanation.
Mais à d’autres égards une invention propre à Corneille lui fournit dans cette scène un motif d’intérêt fort attachant, fort bien placé, qui manque et fait faute chez son devancier. Corneille, on le sait, a supposé l’amour pour Chimène connu dès longtemps du père de Rodrigue. Le rude vieillard a pu n’en pas tenir compte pour exiger le