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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/250

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juste qu’elle soit mon épouse. Mais si sa rigueur me refuse cette récompense, avec mon épée elle peut la trancher elle-même, — Le Roi : Rodrigue a raison : je prononce le jugement en sa faveur. — Chimène : Ah Dieu ! je suis interdite de honte, etc. »

V.




note sur le cid de diamante.


Il n’est pas hors de propos d’ajouter ici quelques renseignements sur La traduction espagnole de notre Cid, à laquelle Voltaire a donné plus de réputation qu’elle ne mérite, en se vantant de l’avoir découverte comme un premier original antérieur à celui de Castro.

J. B. Diamante, l’un des poëtes attachés à la chapelle et au théâtre sous la direction de Calderon et du roi Philippe IV lui-même, est l’auteur de cette œuvre insignifiante. Elle a pour titre : El honrador de su padre, le fils qui honore ou qui venge[1] son père. On la trouve en tête d’un volume in-4o, le onzième d’un recueil mal fait et très-mal imprimé sous la seule garantie des libraires et des censeurs, intitulé : « Choix de Comédies nouvelles… Comedias nuevas escogidas de los majores ingenios de España. » Cette onzième partie renferme, selon l’usage, douze comédies, ayant pour auteurs, célèbres ou ignorés, outre l’obscur Diamante, Calderon, Moreto, Baeza, Coello, etc. Au milieu du frontispice, on lit : Año 1658, et au bas : En Madrid. Une réimpression, avec mêmes approbations et privilège, porte : Año 1659. Il est douteux que la pièce de Diamante ait jamais été publiée autrement en Espagne au dix-septième siècle. M. Eug. Ochoa l’a comprise dans le tome V du Tesoro del Teatro espanol (Paris, Baudry, 1839, in-8o), où elle peut se lire plus nettement imprimée.

Le traducteur ne fait aucune mention du poëte français qui lui fournit son texte. Ce n’est point plagiat dans la rigueur du mot : c’est plutôt pairfaite indifférence, suivant l’esprit de l’époque et du pays. Mais pour concevoir quelles licences ce traducteur prend avec un auteur dont il semble ignorer l’existence, il suffit de dire que cette pièce est accommodée pour la scène espagnole. Tantôt, et le plus ordinairement, jusqu’au IVe acte, scène ve de Corneille, il traduit d’assez près, suivant les pensées, le dialogue et la distribution du maître ; tantôt il s’écarte et divague, subtilise et paraphrase, d’une manière fort puérile. Dans sa troisième journée, il semble, plus

  1. C’est exactement le double sens du grec homérique τιμωρός, analogie demeurée constante et bonne a noter dans l’histoire des idées humaines.