Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/261

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sérieuses ; mais notre opinion se fonde sur la Lettre du désintéressé au sieur Mairet, publiée vers la même époque, et réimprimée par nous à la suite du Cid. Là, en effet, il est question de la pièce que prépare Corneille, et le défenseur du poëte dit à ses adversaires : « Si par de petites escarmouches vous amusiez un si puissant ennemi, vous dissiperiez un nuage qui se forme on Normandie, et qui vous menace d’une furieuse tempête pour cet hiver[1]. » Cette pièce ainsi promise pour la fin de 1637 ne parut, comme nous le verrons tout à l’heure, qu’au commencement de 1640.

Cependant la dispute du Cid avait été close officiellement le 5 octobre 1637, par la lettre que Boisrobert avait écrite à Mairet sur l’ordre du Cardinal[2]. Ce ne fut donc pas la nécessité de la lutte, mais seulement le découragement profond qu’elle avait causé à Corneille, qui l’empècha pendant plus de deux années de rien donner au théâtre. C’est ce que nous apprend le passage suivant d’une lettre écrite par Chapelain à Balzac, le 15 janvier 1639[3] : « Corneille est ici depuis trois jours, et d’abord m’est venu faire un éclaircissement sur le livre de l’Académie pour ou plutôt contre le Cid, m’accusant, et non sans raison, d’en être le principal auteur. Il ne fait plus rien, et Scudéry a du moins gagné cela, en le querellant, qu’il l’a rebuté du métier, et lui a tari sa veine. Je l’ai, autant que j’ai pu, réchauffé et encouragé à se venger, et de Scudéry et de sa protectrice, en faisant quelque nouveau Cid qui attire encore les suffrages de tout le monde, et qui montre que l’art n’est pas ce qui fait la beauté ; mais il n’y a pas moyen de l’y résoudre ; et il ne parle plus que de règles et que des choses qu’il eût pu répondre aux académiciens, s’il n’eût point craint de choquer les puissances, mettant au reste Aristote entre les auteurs apocryphes lorsqu’il ne s’accommode pas à ses imaginations. »

Dans une autre lettre, du 9 mars 1640, Chapelain parle de la première représentation d’Horace comme d’un fait tout récent, et en fixe par conséquent la date d’une manière fort ap-

  1. Voyez ci-dessus, p. 63.
  2. Voyez ci-dessus, p. 42 et 43.
  3. Recueil manuscrit de lettres de Chapelain appartenant à M. Sainte-Beuve, cité par M. J. Taschereau, Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille, 2e édition, p. 94.