Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/284

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mœrium, modo inter illam pilam et spolia hostium, vel extra pomœrium, modo inter sepulcra Curiatiorum. Quo enim ducere hunc juvenem potestis, ubi non sua decora eum a tanta fœditate supplicii vindicent ? » Non tulit populus nec patris lacrimas, nec ipsius parem in omni periculo animum ; absolveruntque admiratione magis virtutis quam jure causæ. Itaque, ut cædes manifesta aliquo tamen piaculo lueretur, imperatum patri, ut filium expiaret pecunia publica. Is, quibusdam piacularibus sacrificiis factis, quæ deinde genti Horatiæ tradita sunt, transmisso per viam tigillo, capite adoperto, velut sub jugum misit juvenem. Id hodie quoque publice semper refectum manet : sororium tigillum vocant. Horatiæ sepulcrum, quo loco corruerat icta, constructum est saxo quadrato[1].

    cité de servitude ; pends-le par le col et étrangle à un arbre malencontreux ; bats-le à coups de verges au dedans des remparts, pourvu que ce soit entre ces dards et dépouille ennemie, ou dehors, pourvu que ce soit entre les sépultures des Curiatiens. Car où pourroit-on mener ce jeune homme que les enseignes de sa gloire, que les marques de son honneur ne le garantissent d’un si cruel et honteux supplice ? » Le peuple ne put supporter ne les larmes du père, ne le courage du fils, se montrant égal en l’un et l’autre péril, et l’absolurent plus par admiration de sa vaillance, que pour le mérite et droit de la cause. Mais à ce qu’un meurtre si manifeste fût au moins réparé par quelque forme d’amende et punition, le père eut commandement de purger son fils des deniers publics : lequel après certains sacrifices propitiatoires, dont la charge fut depuis commise à la famille horatienne, ayant tendu une perche au travers de la rue, fit passer le jeune homme dessous, la tête bouchée, tout ainsi que sous un gibet. On l’a toujours maintenu et refait depuis au dépens du public jusqu’à l’heure présente, et s’appelle encore pour le jourd’hui la perche ou chevron de la sœur ; à qui l’on dressa une sépulture de pierre de taille au propre lieu où elle expira. » (Les Décades qui se trouvent de Tite Live mises en françois ; la première par Blaise de Vigenère, Bourbonnois… À Paris, chez Nicolas Chesneau, M.D.LXXXIII, in-fol., p. 19-23.)

  1. Corneille n’a pas suivi, pour ces quatre chapitres, le texte, fort amélioré, de son contemporain Gruter, dont le Tite Live avait paru