Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/285

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EXAMEN.


C’est une croyance assez générale que cette pièce pourroit passer pour la plus belle des miennes, si les derniers actes répondoient aux premiers. Tous veulent que la mort de Camille en gâte la fin, et j’en demeure d’accord ; mais je ne sais si tous en savent la raison. On l’attribue communément à ce qu’on voit cette mort sur la scène ; ce qui seroit plutôt la faute de l’actrice que la mienne, parce que quand elle voit son frère mettre l’épée à la main, la frayeur, si naturelle au sexe, lui doit faire prendre la fuite, et recevoir le coup derrière le théâtre, comme je le marque dans cette impression[1]. D’ailleurs[2], si c’est une règle de ne le point ensanglanter, elle n’est pas du temps d’Aristote, qui nous apprend que pour émouvoir puissamment il faut de grands déplaisirs, des blessures et des morts en spectacle[3]. Horace ne veut pas que nous y hasardions les événements trop dénaturés, comme de Médée qui tue ses enfants[4] ; mais je ne vois pas qu’il en fasse une règle générale pour toutes

    en 1608 et avait été réimprimé en 1619 et en 1628, c’est-à-dire à la veille de la représentation et de l’impression d’Horace. Attachant naturellement peu d’importance, pour l’objet qu’il avait en vue, aux détails de critique et de philologie, il a pris comme au hasard un texte plus ancien, qui se rapproche beaucoup de celui de Badius (Paris, 1537), et où se trouve mainte leçon rejetée depuis ; entre autres, vers la fin du chapitre xxiii, l’inintelligible Volscis, que Vigenère n’a pas traduit.

  1. Et dans les précédentes et les suivantes. Voyez les indications qui accompagnent les noms des personnages à la fin de la scène v du IVe acte, p. 340.
  2. D’ailleurs est omis dans les éditions de 1660 et de 1663.
  3. Voyez la Poétique, fin du chapitre xi.
  4. Ne pueros coram populo Medea trucidet.

    (Art poétique, vers 185.)