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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/302

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Par un heureux hymen mon frère possesseur,
Quand, pour comble de joie, il obtint de mon père
Que de ses chastes feux je serois le salaire.
Ce jour nous fut propice et funeste à la fois :
Unissant nos maisons, il désunit nos rois ;
Un même instant conclut notre hymen et la guerre[1],
Fit naître[2] notre espoir et le jeta par terre,
Nous ôta tout, sitôt qu’il nous eut tout promis,
Et nous faisant amants, il nous fit ennemis.
Combien nos déplaisirs parurent lors extrêmes !
Combien contre le ciel il vomit de blasphèmes !
Et combien de ruisseaux coulèrent de mes yeux !
Je ne vous le dis point, vous vîtes nos adieux ;
Vous avez vu depuis les troubles de mon âme ;
Vous savez pour la paix quels vœux a faits ma flamme,
Et quels pleurs j’ai versés à chaque événement,
Tantôt pour mon pays, tantôt pour mon amant.
Enfin mon désespoir, parmi ces longs obstacles,
M’a fait avoir recours à la voix des oracles.
Écoutez si celui qui me fut hier rendu
Eut droit de rassurer mon esprit éperdu.
Ce Grec si renommé, qui depuis tant d’années
Au pied de l’Aventin prédit nos destinées,
Lui qu’Apollon jamais n’a fait parler à faux,
Me promit par ces vers la fin de mes travaux :
M « Albe et Rome demain prendront une autre face ;
Tes vœux sont exaucés, elles auront la paix,
Et tu seras unie avec ton Curiace,
Sans qu’aucun mauvais sort t’en sépare jamais. »
SaJe pris sur cet oracle une entière assurance,

    ----Var.L’hyménée eut rendu mon frère possesseur,
    ----Var.Vous le savez, Julie, il obtint de mon père. (1641-56)

  1. Var. En même instant conclut notre hymen et la guerre. (1641 in-4o)
  2. L’édition de 1641 in-12 porte par erreur fait naître, pour fit naître.