Ou que tout mon pays reproche à ma vertu
Qu’il auroit triomphé si j’avois combattu,
Et que sous mon amour ma valeur endormie[1]
Couronne tant d’exploits d’une telle infamie !
Non, Albe, après l’honneur que j’ai reçu de toi,
Tu ne succomberas ni vaincras que par moi ;
Tu m’as commis ton sort, je t’en rendrai bon conte[2],
Et vivrai sans reproche, ou périrai sans honte[3].
Quoi ! tu ne veux pas voir qu’ainsi tu me trahis !
Avant que d’être à vous, je suis à mon pays.
Mais te priver pour lui toi-même d’un beau-frère,
Ta sœur de son mari !
Le choix d’Albe et de Rome ôte toute douceur
Aux noms jadis si doux de beau-frère et de sœur.
Tu pourras donc, cruel, me présenter sa tête[4],
Et demander ma main pour prix de ta conquête !
Il n’y faut plus penser : en l’état où je suis,
Vous aimer sans espoir, c’est tout ce que je puis.
Vous en pleurez[5], Camille[6] ?
- ↑ Var. Et que par mon amour ma valeur endormie. (1641-56)
- ↑ Voyez tome I, p. 150, note i, a.
- ↑ Var. Et vivrai sans reproche, ou finirai sans honte. (1641-56)
- ↑ Var. Viendras-tu point encor me présenter sa tête. (1641-56)
- ↑ Voyez Cinna, acte III, scène v, vers 1070. — On a aussi rapproché de ce passage des mouvements tout semblables, ou très-voisins, qui se trouvent chez Racine et chez Voltaire : par exemple dans Bajazet, acte III, scène i, et acte IV, scène v ; Iphigénie, acte IV, scène i ; Britannicus, acte V, scène i ; Zaïre, acte II, scène iii, et acte IV, scène ii.
- ↑ Var. Vous pleurez, ma chère âme ? (1641-56)