Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/329

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Et mourront par les mains qui leur font d’autres lois[1],
Que pas un d’eux renonce aux honneurs d’un tel choix.

SABINE.

Quoi ? dans leur dureté ces cœurs d’acier s’obstinent[2] !

JULIE.

Oui, mais d’autre côté les deux camps se mutinent[3],
Et leurs cris, des deux parts poussés en même temps,
Demandent la bataille, ou d’autres combattants.
La présence des chefs à peine est respectée,
Leur pouvoir est douteux, leur voix mal écoutée ;
Le Roi même s’étonne ; et pour dernier effort :
« Puisque chacun, dit-il, s’échauffe en ce discord,
Consultons des grands Dieux la majesté sacrée,
Et voyons si ce change à leurs bontés agrée.
Quel impie osera se prendre à leur vouloir,
Lorsqu’en un sacrifice ils nous l’auront fait voir ? »
Il se tait, et ces mots semblent être des charmes ;
Même aux six combattants ils arrachent les armes ;
Et ce désir d’honneur qui leur ferme les yeux,
Tout aveugle qu’il est, respecte encor les Dieux.
Leur plus bouillante ardeur cède à l’avis de Tulle ;
Et soit par déférence, ou par un prompt scrupule,
Dans l’une et l’autre armée on s’en fait une loi,
Comme si toutes deux le connoissoient pour roi.
Le reste s’apprendra par la mort des victimes.

SABINE.

Les Dieux n’avoueront point un combat plein de crimes ;
J’en espère beaucoup, puisqu’il est différé,
Et je commence à voir ce que j’ai désiré.

  1. Var. Et mourront par les mains qui les ont séparés.
    ----Var.Que quitter les honneurs qui leur sont déférés. (1641-56)
  2. Var. Quoi ? dans leur dureté ces cœurs de fer s’obstinent ! (1641-60)
  3. Var. Ils le font, mais d’ailleurs les deux camps se mutinent. (1641-64)