Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/358

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TULLE.

Permettez qu’à genoux…Non, levez-vous, mon père :
Je fais ce qu’en ma place un bon prince doit faire.
Un si rare service et si fort important
Veut l’honneur le plus rare et le plus éclatant[1].
Vous en aviez déjà sa parole pour gage ;
Je ne l’ai pas voulu différer davantage.
JeJ’ai su par son rapport, et je n’en doutois pas,
Comme de vos deux fils vous portez le trépas,
Et que déjà votre âme étant trop résolue,
Ma consolation vous seroit superflue ;
Mais je viens de savoir quel étrange malheur
D’un fils victorieux a suivi la valeur,
Et que son trop d’amour pour la cause publique
Par ses mains à son père ôte une fille unique.
Ce coup est un peu rude à l’esprit le plus fort[2] ;
Et je doute comment vous portez cette mort.

LE VIEIL HORACE.

Sire, avec déplaisir, mais avec patience.

TULLE.

C’est l’effet vertueux de votre expérience.
Beaucoup par un long âge ont appris comme vous
Que le malheur succède au bonheur le plus doux :
Peu savent comme vous s’appliquer ce remède,
Et dans leur intérêt toute leur vertu cède.
Si vous pouvez trouver dans ma compassion
Quelque soulagement pour votre affliction[3],
Ainsi que votre mal sachez qu’elle est extrême,
Et que je vous en plains autant que je vous aime[4].

  1. Entre ce vers et le suivant, Voltaire a ajouté cette indication qui n’est point inutile : montrant Valère.
  2. Var. Je sais que peut ce coup sur l’esprit le plus fort. (1641-56)
  3. Var. Quelque soulagement à votre affliction. (1641 in-12 et 47)
  4. Var. Et que Tulle vous plaint autant comme il vous aime. (1641-56)