Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/362

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Je ne reproche point à l’ardeur de Valère
Qu’en amant de la sœur il accuse le frère[1] :
Mes vœux avec les siens conspirent aujourd’hui ;
Il demande ma mort, je la veux comme lui.
Un seul point entre nous met cette différence,
Que mon honneur par là cherche son assurance,
Et qu’à ce même but nous voulons arriver,
Lui pour flétrir ma gloire, et moi pour la sauver.
LuSire, c’est rarement qu’il s’offre une matière
À montrer d’un grand cœur la vertu toute entière.
Suivant l’occasion elle agit plus ou moins,
Et paroît forte ou foible aux yeux de ses témoins.
Le peuple, qui voit tout seulement par l’écorce,
S’attache à son effet pour juger de sa force[2] ;
Il veut que ses dehors gardent un même cours,
Qu’ayant fait un miracle, elle en fasse toujours :
Après une action pleine, haute, éclatante,
Tout ce qui brille moins remplit mal son attente ;
Il veut qu’on soit égal en tout temps, en tous lieux ;
Il n’examine point si lors on pouvoit mieux,
Ni que, s’il ne voit pas sans cesse une merveille,
L’occasion est moindre, et la vertu pareille :
Son injustice accable et détruit les grands noms ;
L’honneur des premiers faits se perd par les seconds ;
Et quand la renommée a passé l’ordinaire,
Si l’on n’en veut déchoir, il faut ne plus rien faire[3].
SiJe ne vanterai point les exploits de mon bras ;
Votre Majesté, Sire, a vu mes trois combats :
Il est bien malaisé qu’un pareil les seconde,

  1. Var. Qu’en amant de sa sœur il accuse le frère. (1652, 54 et 56)
  2. Var. Prend droit par ses effets de juger de sa force.
    ----Var.Et s’ose imaginer, par un mauvais discours,
    ----Var.Que qui fait un miracle en doit faire toujours. (1641-56)
  3. Var, Si l’on n’en veut déchoir, il ne faut plus rien faire. (1641-56)