Vous avez à demain remis le sacrifice :
Pensez-vous que les Dieux, vengeurs des innocents,
D’une main parricide acceptent de l’encens ?
Sur vous ce sacrilège attireroit sa peine ;
Ne le considérez qu’en objet de leur haine,
Et croyez avec nous qu’en tous ses trois combats[1]
Le bon destin de Rome a plus fait que son bras,
Puisque ces mêmes Dieux, auteurs de sa victoire,
Ont permis qu’aussitôt il en souillât la gloire,
Et qu’un si grand courage, après ce noble effort,
Fût digne en même jour de triomphe et de mort.
Sire, c’est ce qu’il faut que votre arrêt décide.
En ce lieu Rome a vu le premier parricide ;
La suite en est à craindre, et la haine des cieux :
Sauvez-nous de sa main, et redoutez les Dieux.
Défendez-vous, Horace.
Vous savez l’action, vous la venez d’entendre[2] ;
Ce que vous en croyez me doit être une loi.
Sire, on se défend mal contre l’avis d’un roi,
Et le plus innocent devient soudain coupable[3],
Quand aux yeux de son prince il paroît condamnable.
C’est crime qu’envers lui se vouloir excuser :
Notre sang est son bien, il en peut disposer ;
Et c’est à nous de croire, alors qu’il en dispose,
Qu’il ne s’en prive point sans une juste cause.
Sire, prononcez donc, je suis prêt d’obéir ;
D’autres aiment la vie, et je la dois haïr.