Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/377

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Ce renseignement est d’autant plus précieux que Bellerose étant alors chef de la troupe de l’hôtel de Bourgogne, nous apprenons ainsi à quel théâtre Cinna fut représenté.

Nous savons de plus qu’en 1657 Floridor et Beauchâteau alternaient dans ce même rôle[1]. Quant aux autres, nous ignorons par qui ils étaient remplis. M. Aimé Martin affirme, mais sans en apporter de preuves, que Baron père jouait Auguste, et la Beaupré Émilie.

Cinna, pendant fort longtemps, a subi à la représentation des mutilations analogues à celles qui ont encore lieu aujourd’hui pour le Cid. Plusieurs actrices ne disaient point le monologue qui ouvre la pièce ; c’est à Voltaire qu’on en doit le rétablissement[2]. D’autres altérations, encore plus graves, ont subsisté jusqu’à nos jours. En 1746 les frères Parfait nous disent que d’ordinaire on retranche au théâtre le rôle de Livie[3]. Dans son édition de Corneille de 1764, Voltaire fait observer que cette suppression remonte à plus de trente ans.

Corneille cependant avait insisté à bon droit, dans le Discours du poëme dramatique, sur l’importance de ce rôle : « La consultation d’Auguste au second de Cinna, les remords de cet ingrat, ce qu’il en découvre à Émilie, et l’effort que fait Maxime pour persuader à cet objet de son amour caché de s’enfuir avec lui, ne sont que des épisodes ; mais l’avis que fait donner Maxime par Euphorbe à l’Empereur, les irrésolutions de ce prince, et les conseils de Livie, sont de l’action principale[4]. »

Ces suppressions non-seulement tronquaient la pièce, mais amenaient des contre-sens inévitables. À l’occasion de ces deux vers :

Vous ne connoissez pas encor tous les complices ;
Votre Émilie en est, Seigneur, et la voici[5],

Voltaire fait la remarque suivante : « Les acteurs ont été obligés de retrancher Livie, qui venait faire ici le personnage d’un exempt, et qui ne disait que ces deux vers. On les fait prononcer par Émilie, mais ils lui sont peu convenables. »

  1. Voyez ci-dessus, p. 251.
  2. Voyez ci-après, p. 385, note 1.
  3. Tome VI, p. 94, note a.
  4. Tome I, p. 47.
  5. Acte V, scène ii, vers 1562 et 1563.