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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/381

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ÉPÎTRE.


À MONSIEUR DE MONTMORON[1].
Monsieur,

Je vous présente un tableau d’une des plus belles actions d’Auguste. Ce monarque étoit tout généreux, et sa géné-

  1. Cette épître dédicatoire, ainsi que l’extrait de Sénèque qui la suit, ne se trouvent que dans l’édition originale et dans les recueils de 1648-1656. — Pierre du Puget, seigneur de Montauron ou Montoron, des Carles et Caussidière, la Chevrette et la Marche, premier président des finances au bureau de Montauban, mourut à Paris le 23 juin 1664. Tallemant des Réaux nous apprend dans son Historiette sur Louis treizième (tome II, p. 248) que « Montauron avoit donné deux cents pistoles à Corneille pour Cinna. » Ce témoignage, qui émane d’un allié de Montauron, car sa fille naturelle avait épousé Gédéon Tallement, est beaucoup plus digne de confiance que l’assertion du Journal de Verdun (juin 1701, p. 410), qui porte à mille pistoles le présent de Montauron. La libéralité de ce financier envers les gens de lettres et leur empressement à lui adresser des dédicaces étaient devenus un sujet de plaisanteries et d’allusions de toutes sortes. Dans son Parnasse réformé (p. 132 et 133), Guéret propose les réformes suivantes : « Article X. Défendons de mentir dans les épîtres dédicatoires. Article XI. Supprimons tous les panégyriques à la Montoron… » Ailleurs, dans sa Promenade de Saint-Cloud (imprimé dans les Mémoires historiques et critiques de Bruys, Paris, 1751, in-12, tome II, p. 238), Guéret se commente ainsi lui-même : « Si vous ignorez ce que c’est que les Panégyriques à la Montoron vous n’avez qu’à le demander à M. Corneille, et il vous dira que son Cinna n’a pas été la plus malheureuse de ses dédicaces. » — Du reste, à cette époque, comme le fait remarquer Tallemant (tome VI, p. 227, note 2), « tout s’appeloit à la Montauron. » Pierre Gontier, dans un passage de ses Exercitationes hygiasticæ (Lyon, 1688, p. 111), cité par M. Paulin Paris, parle de petits pains au lait à la Montauron ; et Tallemant nous raconte une sanglante allusion à cette façon de parler qui tombe fort directement sur un membre de sa famille : « Une fois, dit-il, aux Comédiens du Marais, Monsieur d’Orléans y étant, quelqu’un fut assez sot pour dire qu’on attendoit M. de Montauron. Les gens de M. d’Orléans le firent jouer à la farce,