Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/449

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En faisant qu’il le voie et n’en jouisse pas :
Mais jouissons plutôt nous-mêmes[1] de sa peine, 1185
Et si Rome nous hait, triomphons de sa haine.
Ô Romains, ô vengeance, ô pouvoir absolu,
Ô rigoureux combat d’un cœur irrésolu
Qui fuit en même temps tout ce qu’il se propose !
D’un prince malheureux ordonnez quelque chose.1190
Qui des deux dois-je suivre, et duquel m’éloigner ?
Ou laissez-moi périr, ou laissez-moi régner.


Scène III.

AUGUSTE, LIVIE[2].
AUGUSTE.

Madame, on me trahit, et la main qui me tue
Rend sous mes déplaisirs ma constance abattue.
Cinna, Cinna, le traître…

LIVIE.

Cinna, Cinna, le traître… Euphorbe m’a tout dit, 1195
Seigneur, et j’ai pâli cent fois à ce récit.
Mais écouteriez-vous les conseils d’une femme[3] ?

AUGUSTE.

Hélas ! de quel conseil est capable mon âme ?

LIVIE.

Votre sévérité, sans produire aucun fruit[4],
Seigneur, jusqu’à présent a fait beaucoup de bruit.1200
Par les peines d’un autre aucun ne s’intimide :
Salvidien à bas a soulevé Lépide ;

  1. Toutes les éditions publiées du vivant de Corneille portent nous-mêmes, avec une s, à l’exception de celle de 1643 in-4o, qui donne nous-même.
  2. Voyez la Notice, p. 365.
  3. Admittis muliebre consilium ? (P. 374.)
  4. Var. Seigneur, jusques ici votre sévérité
    A fait beaucoup de bruit, et n’a rien profité. (1643-56)