Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/472

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Avec cette beauté que je t’avois donnée,
Reçois le consulat pour la prochaine année[1]. 1710
Aime Cinna, ma fille, en cet illustre rang,
Préfères-en la pourpre à celle de mon sang ;
Apprends sur mon exemple à vaincre ta colère[2] :
Te rendant un époux, je te rends plus qu’un père.

ÉMILIE.

Et je me rends, Seigneur, à ces hautes bontés ; 1715
Je recouvre la vue auprès de leurs clartés :
Je connois mon forfait, qui me sembloit justice ;
Et, ce que n’avoit pu la terreur du supplice,
Je sens naître en mon âme un repentir puissant,
Et mon cœur en secret me dit qu’il y consent. 1720
Le ciel a résolu votre grandeur suprême ;
Et pour preuve, Seigneur, je n’en veux que moi-même[3] :
J’ose avec vanité me donner cet éclat,
Puisqu’il change mon cœur, qu’il veut changer l’État.
Ma haine va mourir, que j’ai crue immortelle ; 1725
Elle est morte, et ce cœur devient sujet fidèle ;
Et prenant désormais cette haine en horreur,
L’ardeur de vous servir succède à sa fureur.

CINNA.

Seigneur, que vous dirai-je après que nos offenses
Au lieu de châtiments trouvent des récompenses ? 1730
Ô vertu sans exemple ! ô clémence, qui rend
Votre pouvoir plus juste, et mon crime plus grand !

AUGUSTE.

Cesse d’en retarder un oubli magnanime ;
Et tous deux avec moi faites grâce à Maxime :
Il nous a trahis tous ; mais ce qu’il a commis1735

  1. Post hæc detulit ultro consulatum. (P. 375.) — Cinna fut consul l’an 5 avant Jésus-Christ.
  2. Var. Apprends, à mon exemple, à vaincre ta colère. (1643-56)
  3. Var. Et pour preuve, Seigneur, je ne veux que moi-même. (1643-56)