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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/84

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LE CID.

Silvie aux œuvres de MM. de Racan et Théophile, au dernier desquels vous êtes si étroitement obligé, que sans lui vous suivriez encore la déplorable condition des vôtres. Ce n’est pas faire en homme généreux que de payer d’ingratitude tant de bienfaits reçus. On sait que le dialogue qui a tant plu à la cour et qui avoit couru plus de deux ans avant qu’on sût qu’il y eût une Silvie au monde, étoit de la façon de Théophile ; ainsi vous vous pariez d’un habillement emprunté, et ce bel enchantement que vous nommez le Pastor fido des Allemands, doit à ce grand homme si peu qu’il eut de grâce.

C’est à ces mêmes Allemands que vous pensez parler, quand vous nous assurez si magnifiquement que le Cid a perdu à la lecture une bonne partie de l’estime qu’il avoit acquise à la représentation. Quelle impudence ! Les extravagances de Virginie, les impudicités du duc d’Ossonne et les coquetteries de Sophonisbe ont mérité l’impression, si l’on vous en croit, et celle du Cid devoit être différée pour cent et un an ! Ne donnez point à M. Corneille les mauvais conseils de vos tailles-douces, qui n’ont servi dans votre Silvanire qu’à incommoder votre libraire[1], et ne faites plus sonner si haut ces grands coups d’épée que M. de Scudéry a donnés au Cid tout au travers du corps. Après en avoir reçu deux mille de pareils, on se porte encore fort bien, et ceux que ses raisons de paille ont convertis (si toutefois elles ont converti quelques-uns) avoient grande envie de l’être.

Au reste, nous voyons maintenant ce qui vous pique : vous vous fâchez de ce qu’on a découvert vos brigues et les artifices que vous mettez en usage pour mendier un peu de réputation. Vous vous plaignez de ce que dit M. Corneille :

Que son ambition pour faire plus de bruit
Ne quête point les voix de réduit en réduit[2].


On sait le petit commerce que vous pratiquez, et que vous

  1. La Silvanire est ornée d’un frontispice gravé, avec portrait de J. Mairet de Besançon, et de cinq planches de Michel Lasne.
  2. Excuse à Ariste, vers 39 et 40. Le texte exact est :

    Et mon ambition, pour faire plus de bruit,
    Ne les va point quêter (les voix) de réduit en réduit.