Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/87

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Mais n’avez-vous pas bonne grâce un peu après de traiter d’inférieurs, et quasi de petits garçons, les auteurs de Cléopatre[1] et de Mithridate[2], pour qui vous faites une classe à part ? Vous ne sauriez nier que cette Cléopatre a enseveli la vôtre, que le Mithridate a paru sur le théâtre autant qu’aucune de vos pièces, et que l’une et l’autre à la lecture remportent bien haut sur tout ce que vous avez fait. Votre style n’est qu’une jolie prose rimée, foible et basse presque partout, et bien éloignée de la vigueur des vers de ces Messieurs, sur qui M. Corneille seroit bien marri de prétendre aucune prééminence.

Cet acte de la pastorale héroïque qui vous fut donné à faire il y a quelque temps[3], est la preuve indubitable de la foiblesse de style que je vous reproche : votre or (pour user de vos termes) y fut trouvé de si bas aloi et votre poésie si chétive, que même on ne vous jugea pas capable de la corriger. La commission en fut donnée à trois Messieurs de l’Académie, qui n’y laissèrent que vingt-cinq de vos vers. C’est un préjugé fort désavantageux pour vous, et qui vous doit empêcher, si vous êtes sage, d’exposer vos fureurs divines au jugement de cette illustre compagnie.

Je ne parlerai point de l’irrévérence avec laquelle vous déclamez dans cette épître contre les grands du siècle, qui ne reconnoissent pas assez votre mérite, ni du repentir que vous témoignez de leur avoir dédié vos chefs-d’œuvre ; le mal que je vous veux ne va pas jusqu’à vous faire criminel. Je vous donnerai seulement un mot d’avis avant que d’achever, qui est de ne mêler plus d’impiétés dans les prostitutions de vos héroïnes ; les signes de croix de votre Flavie et les anges de

  1. Cléopatre, tragédie de Benserade, représentée en 1635.
  2. La Mort de Mithridate, tragédie de la Calprenède, représentée en 1635.
  3. Nous ne savons de quel ouvrage il s’agit ici. Serait-ce de la Grande Pastorale qui, suivant Pellisson, renfermait cinq cents vers de la façon du Cardinal, et à l’impression de laquelle il renonça après avoir pris connaissance des observations de Chapelain, que lui communiqua Boisrobert (voyez la Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, p. 179 et suivantes) ? C’est probable ; remarquons toutefois que Pellisson ne dit mot de la collaboration de Mairet.