Montroit de sa justice un exemple si beau[1],
Faisant passer Photin par les mains d’un bourreau.
Aussitôt qu’il me voit, il daigne me connoître ;
Et prenant de ma main les cendres de mon maître :
« Restes d’un demi-dieu, dont à peine je puis
Égaler le grand nom, tout vainqueur que j’en suis,
De vos traîtres, dit-il, voyez punir les crimes :
Attendant des autels, recevez ces victimes ;
Bien d’autres vont les suivre. Et toi, cours au palais
Porter à sa moitié ce don que je lui fais ;
Porte à ses déplaisirs cette foible allégeance,
Et dis-lui que je cours achever sa vengeance[2]. »
Ce grand homme à ces mots me quitte en soupirant,
Et baise avec respect ce vase qu’il me rend.
Ô soupirs ! ô respect ! oh ! qu’il est doux de plaindre
Le sort d’un ennemi quand il n’est plus à craindre[3] !
Qu’avec chaleur, Philippe, on court à le venger
Lorsqu’on s’y voit forcé par son propre danger[4],
Et quand cet intérêt qu’on prend pour sa mémoire[5]
Fait notre sûreté comme il croît notre gloire !
César est généreux, j’en veux être d’accord ;
Mais le roi le veut perdre, et son rival est mort.
Sa vertu laisse lieu de douter à l’envie
- ↑ Var. Montroit de sa justice un exemple assez beau. (1644-68)
- ↑ Var. Et lui dis que je cours achever sa vengeance. (1644-56)
- ↑ « Les curieux ne seront pas fâchés de savoir que Garnier avait donné les mêmes sentiments à Cornélie. Philippe lui dit (acte III, scène i) :
César plora sa mort.
Cornélie répond :
Il plora mort celui
Qu’il n’eût voulu souffrir être vif comme lui. » (Voltaire.) - ↑ Var. Quand on s’y voit forcé par son propre danger. (1644-63) — Voyez ci-dessus la Notice, p. 5, et la note 1 de la p. 87.
- ↑ Var. Et que cet intérêt qu’on prend pour sa mémoire. (1644 et 60-63)