Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/151

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EXAMEN.


Cette pièce est en partie traduite, en partie imitée de l’espagnol. Le sujet m’en semble si spirituel et si bien tourné, que j’ai dit souvent que je voudrois avoir donné les deux plus belles que j’aye faites, et qu’il fût de mon invention. On l’a attribué au fameux Lope de Végue[1] ; mais il m’est tombé depuis peu entre les mains un volume de don Juan d’Alarcon, où il prétend que cette comédie est à lui, et se plaint des imprimeurs qui l’ont fait courir sous le nom d’un autre[2]. Si c’est son bien, je n’empêche pas qu’il ne s’en ressaisisse. De quelque main que parte cette comédie, il est constant qu’elle est très-ingénieuse ; et je n’ai rien vu dans cette langue qui m’aye satisfait davantage. J’ai tâché de la réduire à notre usage et dans nos règles ; mais il m’a fallu forcer mon aversion pour les a parte[3], dont je n’aurois pu la purger sans lui faire perdre une bonne partie de ses beautés[4]. Je les ai faits les plus courts que j’ai pu, et je me les suis permis rarement sans laisser deux acteurs ensemble qui s’entretiennent tout bas cependant que[5] d’autres disent ce que ceux-là ne doivent pas écouter. Cette duplicité d’action particulière ne rompt point l’unité de la principale, mais elle gêne un peu l’attention de l’auditeur, qui ne sait à laquelle s’attacher, et qui se trouve obligé de séparer aux deux ce qu’il est accoutumé de donner à une. L’unité de lieu s’y trouve, en ce que tout s’y passe dans Paris ; mais

  1. Var. (édit. de 1660) : Lope de Vega.
  2. Voyez le commencement de l’Appendice du Menteur, p. 241.
  3. Voyez l’Examen de la Veuve, tome I, p. 396, et celui de la Suivante, tome II, p. 123.
  4. Voyez l’Appendice, p. 269.
  5. Ici, et partout dans la prose, l’édition de 1692 substitue pendant que à cependant que.