Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dis-moi, me trouves-tu bien fait en cavalier ?
Ne vois-tu rien en moi qui sente l’écolier[1] ?
Comme il est malaisé qu’aux royaumes[2] du Code
On apprenne à se faire un visage à la mode,
J’ai lieu d’appréhender…

CLITON.

J’ai lieu d’appréhender…Ne craignez rien pour vous :
Vous ferez en une heure ici mille jaloux.
Ce visage et ce port n’ont point l’air de l’école,
Et jamais comme vous on ne peignit Bartole[3] :
Je prévois du malheur pour beaucoup de maris.
Mais que vous semble encor maintenant de Paris ?

DORANTE.

J’en trouve l’air bien doux, et cette loi bien rude,
Qui m’en avoit banni sous prétexte d’étude.
Toi qui sais les moyens de s’y bien divertir,
Ayant eu le bonheur de n’en jamais sortir[4],
Dis-moi comme en ce lieu l’on gouverne les dames.

CLITON.

C’est là le plus beau soin qui vienne aux belles âmes,
Disent les beaux esprits. Mais sans faire le fin,
Vous avez l’appétit ouvert de bon matin :
D’hier au soir seulement vous êtes dans la ville,
Et vous vous ennuyez déjà d’être inutile !
Votre humeur sans emploi ne peut passer un jour,
Et déjà vous cherchez à pratiquer l’amour !

  1. Var. Ma mine a-t-elle rien qui sente l’écolier ?
    Qui revient comme moi des royaumes du Code
    Rapporte rarement un visage à la mode.
    CLIT. Cette règle, Monsieur, n’est pas faite pour vous. (1644-56)

    — Voyez ci-dessus la Notice, p. 127.

  2. L’édition de 1692 a remplacé le pluriel par le singulier : au royaume.
  3. Cosme Bartole, que Dumoulin appelle « le premier et le coryphée des interprètes du droit, » naquit à Sasso-Ferrato, dans l’Ombrie, en 1313, et mourut à Pérouse en 1356.
  4. Var. Ayant eu le bonheur que de n’en point sortir. (1644-56)