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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/275

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JACINTA.

Pues decid, qué falta tiene ?

DON GARCÍA.

La mayor, que es no querella.

Nous aurions pu tout citer, car Corneille n’a rien omis, sauf les détails auxquels il devait substituer des équivalents ou de simples raccords. Ici comme ailleurs on aura pu remarquer chez le poëte français plus d’étude et d’art dans le style, chez l’espagnol une précision plus vive, qui entraîne davantage l’action dramatique.

XV.

Du reste, après cet effort très-ingénieux pour lutter sur ce terrain de l’intrigue féminine espagnole, Corneille abandonne forcément la partie. Le naturel le plus parfait, la plus grande vérité de couleur locale sont précisément ce qu’il y a de plus nécessaire pour encadrer ces subtiles intrigues de jolies dames, voilées ou de leur mantille ou du mystère de la nuit. Aussi suffisait-il de l’instinct et de la vivacité familière des femmes espagnoles pour fournir assez d’actrices capables de rendre avec agrément divers rôles du premier rang dans ces comédies. Avec moins de spontanéité sur notre scène, sous l’empire de tant de conditions antipathiques à ces habitudes, la concurrence était téméraire et à peu près impossible. Matériellement, un obstacle insurmontable à l’imitation complète de cette partie de l’intrigue, résulte de l’étendue, qui eût imposé à l’imitateur la substance d’une pièce en sept ou huit actes : telle est en effet la disproportion ordinaire entre les ouvrages dramatiques des deux nations. Une autre difficulté tout aussi sérieuse est dans le canevas même, dont la trame chez l’auteur espagnol est d’une telle finesse qu’elle échappe à l’analyse aussi bien qu’à l’imitation. Il faudrait voir dans le texte, ou mieux sur le théâtre, la jolie scène de jour où sont redoublées les méprises de la nuit entre les jeunes filles tapadas, c’est-à-dire couvertes de leurs mantilles comme d’un domino, suivant l’usage d’Espagne. Cette combinaison sert à pousser à bout les confusions, les mensonges apparents du Menteur, qui, en recherchant l’une, s’adresse involontairement à l’autre, et le dépit de Jacinte qui se détache de lui, et l’inclination croissante de Lucrèce. Le lieu naïvement choisi pour cette action n’est autre que le cloître de l’église et couvent de la Magdalena, à l’heure de l’office de l’octave, lieu fréquenté du beau monde, rendez-vous à la mode de dévotion et de galanterie. D’autres rencontres importantes pour notre comédie y sont amenées ensuite très-naturellement.