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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/280

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velle famille de province à l’un des amis d’université de son fils. C’est à Philiste qu’il s’adresse, rôle très-indifférent, tandis qu’Alcippe (comme Juan de Sosa dans le texte) pourrait également lui répondre. Ce que notre auteur met du sien dans ce dialogue, c’est, dans les réponses de Philiste, une malice ironique qui devient gratuitement assez désobligeante et discourtoise envers ce père trop crédule. Cela est d’ailleurs tourné d’une manière très-leste et très-piquante :

« Non, sa parole est sûre, et vous pouvez l’en croire ;
« Mais il nous servit hier d’une collation
« Qui partoit d’un esprit de grande invention, etc.[1]. »

L’auteur espagnol ménage cet éclaircissement d’une façon plus digne, et beaucoup plus frappante par la situation : il amène d’un côté de la scène, au cloître de la Madeleine, don Beltran causant avec Juan de Sosa, tandis que de l’autre côté Garcia achève sur Tristan l’essai de ses inventions. Désabusé enfin, le père reste à la même place, lançant des regards courroucés à son fils qui s’approche, et qui subit pour la seconde fois une éloquente réprimande sur l’infamie de ses mensonges.

Corneille, on le sait, a attendu jusqu’ici pour faire élever la voix à son iratus Chremes, et dans cette belle interpellation : Êtes-vous gentilhomme[2] ? il préfère imiter d’abord la grave leçon de la deuxième journée dont nous avons parlé (XII) et qu’il a omise en son lieu. Le petit monologue : Ô vieillesse facile ! etc.[3], est librement imité de cet endroit de la troisième journée :

Válgame Dios ! Es posible
que á mi no me perdonaran
las costumbres deste mozo ?
Que aun á mi en mis propias canas
me mintiese al mismo tiempo
que riñéndoselo estaba ?…

Mais l’interpellation énergique transposée dans Corneille est marquée d’un ton plus irrité, au lieu du ton plutôt grave et triste qu’elle rend dans l’admonestation prudente d’où elle est reprise :

DON BELTRAN.

Sois caballero, García ?

DON GARCÍA.

Téngome por hijo vuestro.

DON BELTRAN.

Y basta ser hijo mio
para ser vos caballero ?

  1. Acte V, scène i, vers 1478 et suivants.
  2. Acte V, scène iii, vers 1501.
  3. Acte V, scène ii.