Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/328

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LYSE.

Je ne me moque point.Et que fera, Madame,
Cet autre cavalier dont vous possédez l’âme,
Votre amant ?

MÉLISSE.

Votre amant ?Qui ?

LYSE.

Votre amant ?Qui ?Philiste.

MÉLISSE.

445Votre amant ?Qui ?Philiste.Ah ! ne présume pas
Que son cœur soit sensible au peu que j’ai d’appas :
Il fait mine d’aimer, mais sa galanterie
N’est qu’un amusement et qu’une raillerie.

LYSE.

Il est riche, et parent des premiers de Lyon.

MÉLISSE.

450Et c’est ce qui le porte à plus d’ambition.
S’il me voit quelquefois, c’est comme par surprise ;
Dans ses civilités on diroit qu’il méprise,
Qu’un seul mot de sa bouche est un rare bonheur,
Et qu’un de ses regards est un excès d’honneur.
455L’amour même d’un roi me seroit importune,
S’il falloit la tenir à si haute fortune.
La sienne est un trésor qu’il fait bien d’épargner :
L’avantage est trop grand, j’y pourrois trop gagner.
Il n’entre point chez nous ; et quand il me rencontre,
460Il semble qu’avec peine à mes yeux il se montre,
Et prend l’occasion avec une froideur
Qui craint en me parlant d’abaisser sa grandeur.

LYSE.

Peut-être il est timide et n’ose davantage.

MÉLISSE.

S’il craint, c’est que l’amour trop avant ne l’engage.
465Il voit souvent mon frère, et ne parle de rien.