Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/335

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Qui fit jaloux Alcippe avec sa noble adresse[1] ;
605Et malgré tout cela, le même toutefois,
Depuis qu’il est ici, n’a menti qu’une fois.

PHILISTE.

En voudrois-tu jurer ?

CLITON.

En voudrois-tu jurer ?Oui, Monsieur, et j’en jure
Par le Dieu des menteurs, dont il est créature,
Et s’il vous faut encore un serment plus nouveau,
610Par l’hymen de Poitiers et le festin sur l’eau.

PHILISTE.

Laissant là ce badin, ami, je vous confesse
Qu’il me souvient toujours de vos traits de jeunesse.
Cent fois en cette ville aux meilleures maisons
J’en ai fait un bon conte en déguisant les noms ;
615J’en ai ri de bon cœur, et j’en ai bien fait rire ;
Et quoi que maintenant je vous entende dire,
Ma mémoire toujours me les vient présenter,
Et m’en fait un rapport qui m’invite à douter.

DORANTE.

Formez en ma faveur de plus saines pensées :
620Ces petites humeurs sont aussitôt passées ;
Et l’air du monde change en bonnes qualités
Ces teintures qu’on prend aux universités.

PHILISTE.

Dès lors, à cela près, vous étiez en estime
D’avoir une âme noble, et grande, et magnanime.

CLITON.

625Je le disois dès lors : sans cette qualité,
Vous n’eussiez pu jamais le payer de bonté.

DORANTE.

Ne te tairas-tu point ?

  1. Var. Qui fit jaloux Alcippe avecque tant d’adresse. (1645-56)